jeudi 3 décembre 2009

LA PETITE FILLE ET SON CHAT (I. Rodier)

LA PETITE FILLE ET SON CHAT

Venez ici, minet ; il faut que je vous gronde ;
Avancez près de moi.
On dit que sans pitié vous griffez tout le monde ;
C'est très joli, ma foi !
D'où venez-vous encore avec cet air sauvage,
Et ce poil hérissé ?
Avez-vous de souris fait un nouveau carnage ?
Arrivez-vous blessé ?
Ou bien, sur mes cahiers répandant l'écritoire,
Auriez-vous en courant
Tracé, dans ses détours, une rivière noire
Sur mon beau papier blanc ?
Voyons, répondez-moi, je suis douce personne,
Dites-moi vos méfaits :
Je ne gronderai pas, minet, je vous pardonne
Ces terribles forfaits !
Eh quoi ! pas un regard ! pas même une caresse !
Vous êtes un sournois.
Moi qui vantais partout vos tours de gentillesse,
Votre joli minois !
Que vois-je près de vous rouler dans la poussière ?
Ciel ! mon oiseau chéri !
Quoi ! vous avez tué d'une dent meurtrière
Mon charmant favori ?
Celui qui m'égayait par son gentil ramage,
Dont vous étiez jaloux,
A péri tristement enlevé de sa cage ;
Ah ! c'en est fait de vous !
Allez, ce trait cruel vous ravit ma tendresse !
Je voulais pardonner ;
Mais mon cœur attristé de votre humeur traîtresse,
dit qu'il faut condamner.
Fuyez, fuyez bien loin, redoutez ma présence ;
Je ne veux plus vous voir ;
Et de ne plus jamais juger sur l'apparence
Je me fais un devoir.

Isabelle RODIER