mercredi 2 octobre 2013

UN MOULIN LENT


Un moulin lent

n’avait pas de vent

le meunier disait

si j’invente le vent

mon moulin lent

gagne du mouvement

   Maria Alberta Menéres
Lisbonne 1971
Traduit par
Rosario Duarte da Costa

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Um moinho lento

Um moinho lento

não tinha vento

E o moleiro dizia

se eu invento o vento

o meu moinho lento

ganha movimento

   Maria Alberta Menéres
In Conversa com versos
Lisboa 1971

jeudi 14 février 2013

NUIT de NEIGE (Maupassant)

Nuit de neige

La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.

Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.

La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.

Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;
Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.

Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.

Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur oeil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas.

Maupassant
La pie de Monet (Musée d'Orsay)

mardi 1 janvier 2013

Mère et enfant

Mère et enfant
 
« Je possède, dit la mère,
Deux bluets d'un bleu si doux
Que ceux des champs sont jaloux.
Qui devine le mystère ?…»
— L'enfant dit en riant : « Oh ! moi, je m'y connais :
Mes deux yeux sont les deux bluets. »

« J'ai toujours, fraîche et vermeille,
Une fleur qui sait parler,
Et sourire et m'appeler ;
C'est bien une autre merveille. »
— L'enfant dit en touchant ses lèvres : « M'y voici !
Ta fleur sait l'embrasser aussi.»

« J'ai, sans qu'on y prenne garde,
Un collier qui n'est pas d'or,
Mais plus précieux encor ;
Mon cou nuit et jour le garde. »
— « Ton collier, dit l'enfant, je ne m'y trompe pas,
Est fait de mes deux petits bras.»

« Je possède une autre chose
Sans laquelle je mourrais,
Quand même je garderais
Collier, bluets, fleur qui cause.… »
— L'enfant dit, tout ému d'amour et de bonheur :
« Cette fois, mère, c'est mon coeur. »

Sophie Huë
Les Maternelles